Once Upon a Time… in Hollywood
Cette critique a d’abord été publiée dans le journal Le Collectif. Pour consulter la critique originale, cliquez ici.
Quentin Tarantino semble prendre goût aux films d’époque. Alors que ses trois plus récents projets ont revisité le Far West et l’Allemagne de la Seconde Guerre mondiale, il prend cette fois le pari, avec son 9e long métrage, de plonger au cœur des productions hollywoodiennes de la fin des années 1960. Ayant fait un tabac à Cannes un peu plus tôt cette année, Il était une fois… à Hollywood tente de donner un second souffle au box-office estival plutôt anémique jusqu’à présent, si l’on exclue les grosses productions de Disney. Les attentes sont très élevées pour le premier film du réalisateur depuis Les huit enragés, sorti en 2015. Quoi de mieux qu’un film réunissant Leonardo DiCaprio et Brad Pitt pour se réfugier dans les salles de cinéma climatisées!
Un duo qui peut prétendre aux grands honneurs
Tarantino lui-même avait annoncé l’an dernier que les performances de Brad Pitt et Leonardo DiCaprio étaient les plus excitantes depuis celles de Paul Newman et Robert Redford dans L’arnaque de 1973. Sur ce point, on doit lui donner raison. Le film suit Rick Dalton (DiCaprio), un acteur de télévision dont la carrière bat de l’aile, et son cascadeur, Cliff Booth (Pitt). S’ils sont tous deux fictifs, ils s’insèrent avec brio dans le Los Angeles de 1969, interagissant avec de vrais personnages, dont les voisins de Dalton, Roman Polanski et Sharon Tate (interprétée par la somptueuse mais effacée Margot Robbie), plus célèbre victime du tueur en série Charles Manson.
Le reste de la distribution inclut quelques habitués du réalisateur, dont Bruce Dern, Michael Madsen et Kurt Russell, qui donnent la réplique à Dakota Fanning, Timothy Olyphant, Al Pacino, Luke Perry, Damian Lewis et Emile Hirsh. C’est cependant l’émotif DiCaprio, au sommet de sa forme encore une fois, qui vole la vedette. Il amène une vulnérabilité à la fois drôle et touchante au personnage de Rick Dalton, qui remet en question sa carrière et redoute ses décisions futures. Pitt est quant à lui sublime dans le rôle du dur à cuir en contrôle de la situation. Les deux acteurs sont de sérieux prétendants aux Oscars du meilleur acteur et acteur de soutien, respectivement.
On se désole cependant que les deux ne partagent pas assez de scènes. Il aurait été intéressant d’explorer leur relation en profondeur pour possiblement assister à un moment inoubliable entre les deux acteurs. Un autre bémol vient du fait que Margot Robbie est quelque peu laissée à elle-même, n’ayant que quelques dialogues simplistes tout au long du film. Sur ce point, on sent que Tarantino n’a pas su tirer profit du talent de Robbie, ou même du reste de sa distribution, somme toute sous-utilisée.
Un scénario moyen dans une ambiance très réussie
Tout comme ses films d’époque précédents, Tarantino recrée à la perfection la période qu’il choisit, en l’occurrence l’effervescence de la fin des années 1960. Grand amateur de cinéma, le réalisateur fait de nombreuses références aux films, aux séries télévisées et aux personnalités de l’époque. Le Hollywood Boulevard y est fidèlement représenté, notamment parce que Tarantino, par souci d’économie, a retravaillé des images tirées de films de l’époque, plutôt que de reconstituer les façades aujourd’hui disparues (il a d’ailleurs publié une liste de films dont il s’est inspiré pour recréer cette ambiance). De plus, il s’amuse à recréer le style cinématographique des années 1960 en proposant des segments de films fictifs mettant en vedette Rick Dalton. Son travail de reconstitution est impressionnant et amusant, tout en demeurant très immersif.
Le problème majeur du film se situe dans son scénario. Alors que dans ses précédents films, la prémisse est toujours claire, cette fois on a plus le sentiment de visionner un segment de la vie de Dalton et Booth. On sent que l’histoire implique le personnage de Sharon Tate d’une quelconque façon, mais elle est si absente qu’on perd le fil conducteur du récit. S’inspirant de ses plus récents projets (notamment Le Commando des bâtards et Django déchaîné), il propose une fois de plus une uchronie, soit une réécriture de l’histoire. C’est un genre qui lui sied bien, mais qui a moins de mordant que dans ses autres productions. De plus, le film manque cruellement de rythme et s’éternise sur des moments qui ne font pas avancer l’histoire. Ce dernier point est caractéristique de son style, mais des dialogues peu inspirés nous font perdre l’intérêt de ces scènes.
On a en fait l’impression qu’il a poussé l’hommage aux films des années 1960 et 1970 jusque dans le scénario même. Les films à cette époque étaient pour la plupart d’un rythme assez lent. Le cinéma, peut-être plus qu’aujourd’hui, était moins axé sur la rapidité du scénario, et plus sur la création d’une ambiance et sur la mise en scène (pensez à American Graffiti par exemple). Ce ne sont pas, pour la plupart, des films qui ont la construction traditionnelle « introduction > élément déclencheur > péripéties > dénouement > conclusion ». En ce sens, on a vraiment l’impression de visionner un film de cette époque. Certains et certaines aimeront, d’autres un peu moins.
Un typique Tarantino? Pas vraiment…
On remarque la touche du réalisateur à plusieurs égards. Des interprétations légendaires (qui ne se souvient pas des performances de Christoph Waltz dans Le Commando des bâtards et Django déchaîné?), des plans stylés (pensez aux Kill Bill, notamment), des références à la culture populaire (la fameuse discussion entre Samuel L. Jackson et John Travolta sur le Royale with cheese dans Fiction Pulpeuse) et ses auto-références (les cigarettes Big Apple, les gros plans sur des pieds) sont tous présents dans Il était une fois… à Hollywood.
Cependant, les caractéristiques les plus fondamentales du style de Tarantino ne sont pas au rendez-vous. Oubliez le scénario déconstruit et la violence à outrance (il y en a quand même, rassurez-vous). Oubliez les scènes où la tension est palpable. Oubliez son humour cynique et ses longues scènes de dialogues, à la fois mémorables et anodines. Même la trame sonore, qui n’est toutefois pas mauvaise, ne semble pas à la hauteur de ses précédents films.
Est-ce un mauvais film pour autant? Pas du tout! On a plutôt l’impression que c’est un film qui ne correspond pas à nos critères actuels en fait de productions cinématographiques. Les amateurs de films d’époque seront servis, tout comme ceux et celles qui adorent les années 1960. C’est un film qui rend hommage à au cinéma hollywoodien de l’époque. Les cinéphiles qui se passionnent du style caractéristique de Tarantino risquent toutefois de rester sur leur faim.
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